Lecture vivante et réjouissante du roman "Les Esprits de la terre", épisode 6

Lecture vivante et réjouissante en 7 épisodes du roman les Esprits de la terre (1953), de Catherine Colomb, par Catherine Kunz, comédienne.

Sur la côte vaudoise entre le lac et le pied du Jura, César, héritier spolié et mal aimé, tente de renverser le cours du temps et de retrouver les enfants que lui, ses frères et sa sœur étaient.

Ecriture romanesque novatrice et ébouriffante à l'humour féroce et à la poésie consolatrice.

Durée 55 minutes.

Entrée prix libre

Les textes de Catherine Colomb qui décrivent les relations humaines dans toute leur complexité, les blessures d’enfances, les relations entre les forts et les faibles, la revanche des opprimés, restent d’une grande actualité et sont comme un miroir tendu à nos propres interactions familiales et sociales.

La difficulté d’accès au commun des lecteurs de l’œuvre de Catherine Colomb disparaît quand ses textes sont lus ou dits.

Un travail de désentrelaçage de son écriture permet de faire entendre les différentes voix narratives en les distinguant.

Le texte nous est alors révélé, toujours riche, foisonnant, imbriqué, mais limpide.

L’objectif de la démarche de Catherine Kunz est de rendre les romans de Catherine Colomb accessibles à un large public. Elle aimerait les faire entendre, faire apparaître son univers si incroyablement touchant, drôle, bienfaisant et réparateur aussi.

 

Episode 6 Les Esprits de la terre (extrait)

César prenait le chemin de la gare que Valà-Valà descendit pour demander Adolphe en mariage. Ah ! S’il s’était un peu dépêché ce jour-là ! S’il avait arraché plus rapidement l’escargot rayé qui pendait à sa mèche rousse! N’y pensons plus. Est-ce qu’on se marie par amour? demandait en ricanant le vieil oncle veuf qui s’efforçait de cuire des œufs sur le fer à repasser encore chaud et retourné. Voilà la fille de l’adventiste! Mon Dieu, la voilà ! Cette fois il n’y a pas moyen de l’éviter, le dé en est jeté, imbécile, pourquoi venir de ce côté? Le monde entier s’étend de l’autre. Il ne reste qu’une chose à faire, c’est de prendre garde de la demander en mariage. Elle rentrait de la ville, allait enfiler l’avenue de leur clinique, mais sa jarretelle décousue la força à se cacher quelques minutes derrière la haie pour l’épingler, et voilà qu’elle se heurta à Monsieur César! Elle portait un gros paquet, ils étaient trop pauvres pour payer la messagère et bien leur en prit car on ne sut jamais exactement le rôle qu’elle joua pour les habitants de Fraidaigue, c’était à croire qu’elle rôdait la nuit le long de la corniche, sinon comment aurait-elle vu le malheureux Eugène, à ce qu’elle raconta à sa tendre amie la Gibaude, suspendu par la ceinture à un crochet le soir des noces de César, et Madame, un pied en avant, les mains derrière le dos, qui souriait ? C’est paraît-il ce qu’elle aperçut dans leur chambre à coucher.

— Que faites-vous là ? demanda stupidement César.
— Je me promène, dit-elle en dissimulant son paquet.
— Vous avez de la chance.
— Oh, c’est père qui baptise le samedi matin dans le lac et c’est mère qui tient le ménage.
— Et votre jolie sœur ?... C’est vous l’aînée, n’est-ce pas ?

Est-ce que vous n’aimeriez pas bientôt avoir un ménage? continua-t-il distraitement en dessinant des huit avec son soulier. La fille laissa tomber son paquet, joignit les mains, dit: « Oh, Monsieur César ! » s’approcha et posa la tête sur son épaule. « Il y a si longtemps... Mais vous ne faisiez pas attention à moi...» Comme elle pleurait facilement, ses yeux étaient verts et rouges, mais son teint, vu de près, velouté.