Lecture vivante et réjouissante du roman "Les Esprits de la terre", épisode 7

Lecture vivante et réjouissante en 7 épisodes du roman les Esprits de la terre (1953), de Catherine Colomb, par Catherine Kunz, comédienne.

Sur la côte vaudoise entre le lac et le pied du Jura, César, héritier spolié et mal aimé, tente de renverser le cours du temps et de retrouver les enfants que lui, ses frères et sa sœur étaient.

Ecriture romanesque novatrice et ébouriffante à l'humour féroce et à la poésie consolatrice.

Durée 55 minutes.

Entrée prix libre

Les textes de Catherine Colomb qui décrivent les relations humaines dans toute leur complexité, les blessures d’enfances, les relations entre les forts et les faibles, la revanche des opprimés, restent d’une grande actualité et sont comme un miroir tendu à nos propres interactions familiales et sociales.

La difficulté d’accès au commun des lecteurs de l’œuvre de Catherine Colomb disparaît quand ses textes sont lus ou dits.

Un travail de désentrelaçage de son écriture permet de faire entendre les différentes voix narratives en les distinguant.

Le texte nous est alors révélé, toujours riche, foisonnant, imbriqué, mais limpide.

L’objectif de la démarche de Catherine Kunz est de rendre les romans de Catherine Colomb accessibles à un large public. Elle aimerait les faire entendre, faire apparaître son univers si incroyablement touchant, drôle, bienfaisant et réparateur aussi.

 

Episode 7 Les Esprits de la terre (extrait)

César rit tout seul, mais redevint sérieux en pensant soudain que dans ce pays couvert d’une brume toujours plus épaisse où il marchait en trébuchant sur des résidus, des fragments, des tentatives abandonnées, il risquait de rencontrer près des enfants l’odieux petit ogre? Fait curieux, sa mémoire obscurcie ne lui rappela qu’avec difficulté que le petit ogre était tombé du noyer, que sa tête avait éclaté sur la pierre du réservoir, et que brûlé dans un four crématoire il n’en resta qu’une poignée de cendres enfermées par sa mère dans un sac de satin et portées dans son réticule. Tandis que les enfants, ils vivaient, eux, honorés comme des orphelins. À la place d’honneur dans leurs fêtes. Leurs cortèges. Déjà, même sur cette terre à lumière de fer-blanc où il reviendrait quand il voudrait, l’œil de la caméra dépistait des troupes d’enfants, des bandes, des hordes, sous les ponts de Rome, sur les places de l’URSS, au bord des lacs et des mers, serrés, pressés entre deux guerres, et les cygnes affairés et stupides se frayaient un passage à tra- vers leur foule menaçante et retournaient un poisson de leur bec orange et spatulé. Mais les adultes se bouchaient les yeux et les oreilles pour ne les voir ni les entendre, ils déménageaient sans cesse afin de ne pas naître, vivre et mourir dans la même maison où ils risqueraient de rencontrer le soir les enfants descendant l’escalier de bois à peine éclairé par le soupirail de la vieille cuisine. Cependant la brume devenait d’une épaisseur à couper au couteau, le courageux nomade essaya de revenir sur ses pas, mais le temps qui s’étirait comme un élastique le frappait cruellement au visage, le sang coulait sur ses habits, sur cette effrayante houppelande grise. Avis à ceux qui ont envie de quitter le plancher des vaches !